Faire face à l’inceste et à l’abandon
Il faut que je te dise un truc. Il faut que je parle. J’ai besoin d’ouvrir ma bouche, j’ai besoin d’extérioriser ce qu’il se passe à l’intérieur de moi. J’ai besoin d’être transparente, j’ai besoin d’être authentique. Je l’ai toujours été, enfin, je crois… Mais il y a des choses qui ont juste pris du temps pour pouvoir être posées, absorbées, digérées, disséquées. Je ne crois même pas que j’en suis arrivée à ce point-là. Mais là, comme un cri du cœur, j’ai besoin de raconter.
Je suis en arrêt depuis 1 semaine, je n’en ai pas parlé (déjà parce qu’un arrêt de travail et moi, ça fait 18). Je n’aime pas m’arrêter, je suis profondément hyperactive, et l’ennui m’effraie. Mais là, c’est mon corps qui a pris le relais. Et tu connais à quel point je fais confiance à mon corps et à ce qu’il me raconte. Lui ne ment pas. Alors je l’ai écouté. Mais j’ai du mal à comprendre ce qu’il dit, car j’ai vécu les 3 dernières années tellement la tête en avant, sans regarder en arrière, que je ne sais plus faire. Et dans le rétroviseur, s’est accumulé tellement de choses lourdes, que j’ai eues peur de regarder. Mais là, je n’ai plus le choix, il faut que je regarde, et il faut que je t’en parle. Parce que ce n’est pas rien, et parce que j’ai le droit aussi, de sortir du silence.
Il y a plus de deux ans maintenant, suite à un Noël un peu bancal, j’ai affronté mon incesteur. De front d’abord, en lui tenant tête (oui, il était resté dans mon cercle familial), car il menaçait mon fils et mon conjoint de sa colère. Mais j’ai décidé aussi d’entreprendre les démarches, pour l’affronter légalement. Et j’ai porté plainte. Et ce qui en a découlé était loin, très loin du scénario que je m’étais imaginé. Mais d’abord, faut que je te place un peu le contexte.
Je suis née en 1986, de deux parents qui s’aimaient. Mais la vie a fait que ma maman biologique est tombée dans une immense tristesse qu’elle a choisi de noyer dans l’alcool. Mon père, très jeune à l’époque, ne pouvant gérer cet énorme problème (je ne lui en veux pas, j’ai fait la paix avec ça, je ne suis pas sûre que j’en aurais eu le courage non plus), décide de la quitter quelques années plus tard. Ma mère ne s’en relèvera jamais, et fera le choix de partir lorsque j’avais un peu moins de 7 ans. J’ai de vagues souvenirs des dernières années avec elle. Mais d’après ce que l’on m’a raconté, elle a été, plusieurs années, dévorée par ses démons, l’alcool, la dépression et la tristesse immense. Et j’ai manqué d’un cocon sécuritaire. Même si elle m’aimait profondément, ma mère oubliait souvent de me faire à manger, manquait de me récupérer à l’école ou dans des soirées. Je me rappelle de longs moments seule à jouer, délaissée et isolée. Je remercie d’ailleurs chaudement, ma marraine et mes grands-parents, très présents à mes côtés, qui ont compensé ses absences.
Lorsque ma mère biologique est décédée, je suis donc partie vivre chez mon père, qui avait refait sa vie avec une personne ayant déjà un premier enfant, et de leur union est né un petit bébé, plus jeune que moi. Pour moi, cela a représenté : le deuil d’une mère, un déménagement, un changement d’école, deux « frères », la vie en communauté et une vie de famille tout simplement. Pour une enfant de 7 ans, autant te dire, que c’est une montagne. Je me souviens très bien de la douleur du deuil à cette époque, les journées à pleurer en sentant son odeur dans les rares vêtements que j’avais récupéré d’elle. Et depuis ce jour où elle est partie, j’ai toujours voulu me souvenir le plus possible d’elle, de son rire, de ses mimiques, de tout ce que je pouvais. Cette hyper mémorisation est encore présente aujourd’hui, où je suis capable de restituer des détails avec une énorme précision. Mais je m’égare.
Me voilà donc, propulsée dans une nouvelle vie, essayant de m’adapter et de sortir littéralement la tête hors de l’eau. Seul pilier dans ma vie : la maison familiale de mes grands-parents, que j’ai toujours aujourd’hui et qui servira de lieu de refuge. Je reviens donc à cette époque, voilà quelques mois que je suis dans cette nouvelle famille (noyaux, nouveaux cousins, oncles, tantes grands-parents, arrière-grands-parents), dans ce nouveau lieu, auprès de ces nouvelles personnes qui sont plus ou moins proches. Je suis fragilisée, comme une enfant de 7 ans qui a perdu sa maman. Et voilà que je subis dans ce contexte, des attouchements. Je ne donnerais pas de détails sur la personne en question, sauf de dire qu’elle est plus âgée, et qu’elle connaissait donc, le contexte émotionnel dans lequel je me trouvais à l’époque. Cela dure plusieurs mois, sans que je ne dise rien. Sur le moment, je ne réagis pas. Et puis quelque temps après, j’évite juste ce contexte qui pourrait me mettre dans cette situation. Et cela passe. Sauf que mon cerveau, probablement choqué par un trop-plein de choses, a décidé d’oublier. Et je l’ai littéralement occulté ce traumatisme pendant 10 ans.
Parce qu’il aime son incesteur, qu’il lui fait a priori confiance, et qu’il sait qu’on ne se plaint pas à sa mère (par exemple) d’une expérience imposée par l’incesteur puisque son statut lui attribue toute légitimité d’agir. Pour ces raisons d’amour, de confiance inconditionnelle et d’habitude à la soumission, et parce que l’enfance est précisément une période de la vie où on apprend sans cesse, où les enfants assimilent constamment sans y réfléchir des expériences et des informations nouvelles, le petit incesté ne pense pas forcément à l’inceste. Il n’a pas l’intention de se taire sur l’inceste mais, simplement, il n’en parle pas parce qu’il ne pense pas à en parler. Moins on en parle, moins on en parle, comme dit la chanson. L’enfant incesté qui aurait les velléités de partager son expérience constate qu’on ne parle pas de l’inceste. Personne n’en parle, il n’y a aucun espace de dialogue pour évoquer l’inceste. […] La conscience des viols ne suffit pas à entamer une brèche dans le silence. Car l’incesté est de toute façon coincé. Soit l’incesteur le pénètre brutalement dès le premier rapport sexuel, ce qui est rare, et l’enfant est tellement stupéfait qu’il est sidéré, donc muselé. Soit l’incesteur agit très progressivement et l’incesté, qui n’a pas pensé à révéler sa gêne ou son dégoût des premiers gestes sexuels, est tenu par son propre silence et la honte qui le hante de n’avoir rien dit au premier geste bizarre. L’incesteur n’a pas besoin de sommer l’incesté de se taire, l’incesté se tait de lui-même. Ensuite, même si l’enfant souffre physiquement’ des gestes sexuels imposés, même sil en est dégoutté, apeuré, opposé, il apprend à continuer de se taire, et ses silences, interprétés par lui-même (pour son plus grand malheur) et par l’incesteur comme une collaboration de sa part, ligaturent pour longtemps la possibilité de révéler l’inceste. *
À l’âge de 16 ans, je me retrouve avec une amie dans la cour de récréation du lycée. Nous discutons toutes les deux sous un arbre, après avoir mangé. Et elle me glisse « tu sais, j’ai été attouchée par mon cousin, et je crois que c’est un peu louche ». Et là, bim ! Tout me revient en pleine figure. Toutes les scènes se rejouent en l’espace de quelques secondes devant mes yeux. Cette vérité, que moi aussi, j’ai subi un truc dans le genre, s’impose à moi. Oui, mais j’en fais quoi à ce moment-là ? Parce que cette personne est toujours dans mon entourage proche. Que depuis petite, je sens bien que je n’ai pas « la même place que les autres ». Est-ce qu’on me croirait ? Est-ce que ça ne vas pas mettre le chaos, la merde autour de moi ? Puis est-ce que j’ai envie d’en parler, de me victimiser là-dessus ? Imagine le contexte, en pleine crise d’adolescence et d’identité, tu te retrouves avec une étiquette d’incestée (alors qu’à l’époque, on n’en parlait pas.). Alors j’ai décidé de faire ce que je savais mieux faire pour survivre : me taire.
L’idée fait long feu et le fait que leur incesteur n’ai pas un profil de violeur retient les incestés parfois pendant des décennies de penser qu’ils/elles ont été incesté(e)s !Pour qu’il y ait viol, il faut en sus que le rapport ait été extorqué avec intention de nuire, ou quelque chose d’approchant une connotation agressive. Le consentement du partenaire n’entre pas en ligne de compte dans la définition commune du viol. *
Mais à l’intérieur de moi, mon corps et ma tête ont commencé à lutter. C’est ainsi qu’à 16/17 ans, j’ai vécu ma première dépression. À cette époque-là, c’est ma grand-mère qui a tiré la sonnette d’alarme, lorsque j’étais en vacances chez eux. Mais même à elle, même à la psy, je n’ai rien dit. Et j’ai continué ma vie, ainsi.
Sauf que si tu as vécu un truc de ce genre, tu sais qu’on ne peut pas garder un secret aussi lourd, sans que ce dernier n’ai de conséquences. C’est ainsi que j’ai fait mon adolescence : en crise identitaire, avec la conviction que je ne peux être reconnue telle que je suis, et dans cette peur d’abandon énorme qui me poursuivait. J’ai donc vécu de lourds moments, de punition « pourquoi ai-je mérité cela », de doutes aussi. Des nuits d’angoisses, des crises à répétition, de l’automutilation, avec le sentiment énorme de dépressiation. Toute cette période, je l’ai vécue dans le silence. Puis j’ai commencé ma vie d’adulte, et mes premières relations amoureuses. Dans ce contexte, ces dernières ont forcément été biaisées. J’ai aimé oui, mais j’ai eu peur. Peur de ce que l’homme pouvait représenter (le danger, le risque de me faire à nouveau avoir, de me faire violenter). Jusqu’au jour où j’ai vécu une relation destructrice avec un homme violent. Un jour, où je l’ai fui, j’ai pris le train et suis rentrée en urgence chez une personne de ma famille. Là, en sécurité, je lui ai confié ce qu’il m’était arrivé. Car je me suis rendu compte qu’à chaque fois que je côtoyais de la violence dans ma vie, autour de moi, cela me ramenait à cet incident et au même schéma que j’avais choisi de vivre à ce moment : la sidération. Il était temps pour moi de commencer à en parler pour m’en libérer.
Assis ensemble près de sa cheminée, je me suis confiée. Brièvement, avec les seuls mots qui pouvaient expliquer à cette époque, ce que j’avais vécu « Tu sais, lorsque j’étais petite, j’ai subi des attouchements par X ». Cette personne, en qui j’avais tellement confiance, n’a pas réagi. Elle a juste prononcé ces mots «souhaites-tu en parler dans la famille ?». J’ai répondu que non, je ne pensais pas vouloir mettre le désordre. Et elle a acquiescé, sans rien ajouter. Mais je crois, je suis sûre même, que j’aurais aimé à ce moment-là, que cette personne réagisse. La petite fille, qui a été meurtrie, aurait souhaité qu’on la sauve, qu’on montre de l’intérêt pour elle, qu’on la défende bec et ongles. Et pourtant, la vie a repris son cours sans que rien ne change. J’ai donc continuer à faire ce que j’avais toujours fait : ne rien dire.
Je ne peux pas m’empêcher de m’interroger tout haut : peut-on dire que, dans nos sociétés occidentales, le bénéfice du doute profite au violeur, puisqu’on ne le considère pas comme un violeur nonobstant les viols ? Ou doit-on déduire de l’absence de réaction de l’entourage à la révélation des viols que ceux-ci n’empêchent pas la terre de tourner et qu’ils sont si peu importants qu’ils ne suscitent aucune réaction ? […] Le silence sur l’inceste fonctionne comme un système qui s’entretient et se nourrit grâce aux efforts de chacun des membres de la famille.*
Et tout s’est ainsi maintenu, dans un équilibre précaire, entre mes émotions intenses et la peur viscérale de me faire lâcher, abandonner par une partie de ma famille. Pourtant, je sentais que je n’étais pas tout à fait à ma place. À la mort de mon père biologique, les choses ont encore évolué. Mais plus que d’habitude, je ne voulais pas perdre les êtres chers qui restaient encore à mes côtés. Alors je me suis tue, alors j’ai pris sur moi pour ne jamais faire de vague.
Mais il y a quelques années, lorsque j’ai rencontré mon conjoint (enfin rencontré, car nous nous connaissions depuis notre enfance, – c’est une belle histoire qu’il faudrait que je raconte un jour, mais là n’est pas le sujet), j’ai senti que lui, était différent. Au début de notre histoire, je lui en fais part. Car les années passant, je sentais que ce lourd secret me pesait, et qu’il avait du poids dans ma vie du quotidien. Dans ma vie émotionnelle, dans ma vie amicale, dans ma vie familiale et dans ma vie amoureuse. Il m’a écoutée, il m’a entendu, et a simplement respecté mon choix de ne pas en parler – mais je sais aussi que cela l’affectait beaucoup. Simplement, il n’était pas question pour moi de ramener du désordre dans le peu d’ordre que j’avais réussi à construire.
J’ai aussi dans les mêmes années, rencontrée mes meilleures amies, qui avaient vécu des choses similaires, avec lesquelles nous pouvions échanger sur le sujet sans jugement, sans tabous non plus. Parler enfin pour se rendre compte que ce vécu n’est pas normal, même si la société nous montre le contraire. Mais toujours parler entre nous -au passé – pour continuer de regarder vers l’avenir.
Taire l’inceste au moment où ont lieu les relations sexuelles est une première étape. Il faut ensuite que le silence soit tenu au long de la vie le plus longtemps possible, même quand les enfants deviennent grands, parents à leur tour, et sont capables d’identifier les gestes sexuels incestueux comme tels. Et si on ne peut pas compter sur les incestés pour se taire toute leur vie, alors l’incesteur doit faire en sorte que, s’ils parlent, leur version des souvenirs communs ne soit pas plus crédible que celle de l’incesteur, mais qu’elle soit tout au plus équivalente en termes de crédibilité. L’équité des versions profite toujours à l’incesteur car, à choisir, aucun membre de la famille ne souhaite compter parmi elle un violeur d’enfants. Dénigrer la parole des incestés dès qu’ils émettent un point de vue ou qu’ils relatent un événement reste néanmoins la pratique de maintien au silence la plus courante dans la famille. Ce qui est dit ne doit jamais valoir la peine d’être entendu, de sorte qu’à force on ne l’écoute plus du tout. Et à ce casino de l’inceste, faites vos jeux mesdames et messieurs : toutes les formes de dévalorisation et de discrédit des incestés sont autorisées pour faire rempart à la parole. *
Mars 2020, naissance de mon fils, et ma vie change. Penser pour un enfant nous projette dans notre propre vécu d’enfant, et nous fait regarder notre histoire d’un œil nouveau. Je me suis alors fais la promesse de tout faire pour protéger mon fils des monstruosités de ce monde, et surtout, de faire en sorte qu’il se sente en sécurité, aimé et jamais abandonné. La vie continue, belle, plus joyeuse à ses côtés. Et pourtant, je ressens le fossé qui commence à se creuser envers ces personnes de ma famille (ce bourreau et cette personne qui connaît le secret et qui n’a jamais rien fait pour changer quoi que ce soit). Je me suis souvent demandée pourquoi cette distance s’était peu à peu immiscée. J’en suis venue à la conclusion que la maternité m’a tellement poussée dans mes retranchements qu’elle a levé des voiles : ceux de l’hypocrisie, ceux des attentes non-réalistes, ceux de la vie que je pensais avoir et de la place qui n’était pas la mienne. Mais pour mon fils, je voulais tout de même lui présenter une famille, un semblant de lien de parenté, auquel j’avais du mal à me raccrocher.
Nous voilà rendus en 2020, pendant les fêtes de fin d’année, où X a eu un geste et des paroles violents envers mon fils et mon conjoint. À ce moment-là, la louve en moi est sortie. J’ai alors pris tout le monde et ai fui, loin, pour les mettre en sécurité. Et j’ai pleuré, beaucoup, du danger que je leur avais fait subir, alors que je savais que cette personne n’en valait pas la peine. Cette colère qu’il imposait à tous depuis des années était insupportable, et pourtant, tout le monde se taisait – moi y compris, je connais mes torts à ce sujet. Mais de le voir sur mon fils était insupportable. Là où j’ai toléré les pires choses sur ma personne, je n’admettais pas qu’il puisse mettre des enfants en danger. Mon cœur a pris la ferme décision cette fois-ci que j’y mettrais un stop, une bonne fois pour toute. Et du haut de mes 34 ans, j’ai décidé de faire entendre ma voie. Ce que je ne pouvais prévoir, c’est que cela tombait pile dans le mouvement #metoo. Et que la loi avait aussi changé sur les délais de prescription. J’ai donc pris mon courage à deux mains, et ai décidé de poser une main courante contre lui. Cet acte a été motivé par deux choses : mon envie de reconnaître mon statut de victime (afin que le jour où je doive expliquer à mon fils que s’il se fait agresser, il y a des lois et qu’on a le droit de se battre), et l’envie de protéger mon noyau familial, en demandant une ordonnance d’éloignement.
« Les familiers, dont l’incesté, agissent comme bon semble à l’incesteur. Principalement parce qu’il fait peur à tout le monde (à ses parents, ses frères et cousins, puis, plus tard, à ses enfants quand il en a, etc.) par ses colères ou ses sautes d’humeur et que personne ne souhaite aller contre sa volonté. L’incesteur a différents moyens pour affirmer sa puissance, sa capacité de sanction, en un mot pour être craint. La violence exercée sur les animaux domestiques de la maison, ou de la maison des voisins, ou de celle des cousins, est un moyen courant et très efficace pour terroriser la famille. […] Le plus courant, c’est qu’on donne foi à l’incesteur parce qu’il a une forte personnalité et qu’il est simplement une « grande gueule » qui ne lâche jamais la conversation avant d’avoir rallié tout le monde à son point de vue. Il vous force à capituler. […] On lui fait néanmoins confiance, parce que la confiance est l’option la plus confortable pour maintenir inchangée la vie quotidienne. Si la famille rendait réel ce qu’elle a vu, il lui faudrait alors réagir, empêcher activement l’oncle de fréquenter le neveu et les autres enfants de la famille, mesures sans doute trop compliquées à mettre en œuvre pour que les décisions soient prises en ce sens par cette famille, et par tant d’autres, on s’en rend compte en un rien de temps d’enquête.*
Mais avant de me rendre au commissariat, j’ai décidé d’aller voir un avocat pour parler de tout ça et savoir comment faire pour obtenir gain de cause. C’est en racontant mon histoire que l’avocat a posé des mots sur ce que j’avais toujours minimisé : ce que j’ai subi à l’âge de 7 ans est un viol. Car selon la loi, à partir du moment où il y a pénétration, il y a viol. Viol, ce mot résonne encore dans ma tête comme quelque chose d’irréaliste lorsque j’écris ces mots. Nous avons tous une tendance à imaginer un viol comme l’acte réalisé par un inconnu dans la rue qui vous plaque contre un mur et vous interdit de bouger. Or, le viol prend bien des aspects différents dans la réalité des foyers. J’ai pris le temps de digérer cette information, et de savoir si j’étais prête à aller plus loin. Car mon avocat m’a aussi expliqué qu’une ordonnance d’éloignement ne peut s’obtenir que dans le cas d’une plainte. Et s’il y avait plainte, forcément, il y aurait audition, garde à vue, et tout le monde serait mis au courant. Étais-je prête à bousculer tout cela ? Je me souviens aussi lui avoir dit en larmes dans son bureau « mais je ne veux pas qu’il aille en prison ». Ce qui était vrai. Je ne souhaitais pas lui faire du tort, je voulais juste me protéger moi et mon fils. Il m’a alors répondu « ne vous inquiétez pas, étant donné l’âge des faits et le peu de preuve, c’est sa parole contre la vôtre ». Et je suis ainsi rentrée chez moi.
J’ai longtemps réfléchi avant de pousser la porte du commissariat. J’ai longtemps pesé le pour et le contre, mais de toute manière, depuis notre fuite à Noël, le dialogue était déjà rompu et je n’avais pas été soutenue dans mon acte. Personne n’avait compris et tout le monde en avait profité pour nous casser déjà du sucre sur le dos. Qu’avais-je à perdre ? À mes dépens, j’apprendrai bien plus tard que tout ceci était loin d’être terminé.
La révélation de l’inceste oblige à verbaliser quelque chose de l’inceste. On ne peut pas considérer que la révélation de l’inceste soit un moment de crise, au sens où les sociologues pragmatistes l’entendent, c’est-à-dire un épisode qui fait réfléchir chacun sur ses actes et ses paroles et où chacun est tenu d’exprimer ex nihilo ses motivations. La révélation de l’inceste aux autres est certes un moment de crise familiale intense, mais qui n’explose pas du tout ex nihilo. Au contraire, pour que l’incesté(e) qui a pris conscience d’avoir été incesté(e) en vienne à révéler publiquement l’inceste, il faut en amont une longue maturation de la pensée qui le/la conduit à décider d’entamer activement le système du silence. Le début de la crise correspondrait non pas à un départ, mais plutôt à l’aboutissement d’une réflexion de l’incesté(e) durant laquelle il/elle a longuement pesé le « pour » et le « contre » de la sortie du silence. Pour l’incesteur, la révélation de l’inceste ne change pas vraiment son regard sur lui-même puisqu’il n’est pas un violeur et que l’incesté(e) se trompe ou ment.*
Après la révélation de l’inceste à eux-mêmes, un discours rétrospectif sur soi et l’inceste se met en forme pour eux. Les incestés parlent maintenant de l’absence de mot pour penser l’inceste, de l’altération de la pensée et du brouillard intérieur qui ont empêché de raisonner. Pour vivre, même les fous ont besoin d’être en cohérence avec eux-mêmes. Les incestés n’échappent pas à cette nécessité qui résulte, comme l’écrit encore Michael Pollak, « d’un travail de négociation et de compromis », lequel, doit-on ajouter, n’exclut pas l’opacité et la contradiction. Se représenter son père, son fière ou son grand-père comme un violeur produit un conflit intérieur difficilement négociable.*
Un samedi matin, accompagnée de ma meilleure amie, j’ai été reçue par l’adjudant et lui ai donc déposé mon témoignage. Tout comme l’avocat, je remercie toutes ces personnes qui m’ont reçue et qui m’ont témoigné une réelle écoute et un fort intérêt pour mon histoire. Pour une fois, on me croyait, on ne remettait pas ma parole en question et on m’entendait. Une fois cette étape réalisée, il me fallait ensuite attendre… longtemps… très longtemps…
Cette attente interminable est horrible à vivre, même si elle est ponctuée par quelques « étapes » de l’enquête : le recueil de preuves et de témoignages de mon côté, et l’expertise psychologique, un lourd moment à passer. Pendant 3 heures (deux fois 1h30), un psychologue me reçoit, dans un bureau exigu, et essaye de retracer ma vie pour savoir si ma plainte est justifiée et si je ne divague pas. Pour ma part, j’ai eu quelqu’un de très gentil, de très compréhensif, qui m’a scrupuleusement interrogée. Mais ces moments ne sont pas une partie de plaisir. Refaire le point entièrement sur sa vie, avec quelqu’un qui note tout, m’a laissé le sentiment d’être passée dans une machine à laver à plein régime. Je suis à chaque fois sortie lessivée, abattue. À chaque fois, j’ai mis des jours à m’en remettre, de toute cette constatation. Des manquements aussi dans ma vie que j’ai subie. Est-ce que je peux dire que je n’ai pas eu une vie facile ? Oui. C’est le cas d’autres personnes aussi, mais là, sur le moment, en refaisant le point sur tout, je me rends compte que j’ai quand même passé pas mal d’épreuves : violence, deuil, divorce, abandon, négligence, viol, inceste… Parfois, je me demande encore comment mes épaules peuvent porter tout cela.
Des audiences ont été faites en parallèles des personnes à mes côtés pour témoigner de ma bonne foi. Il était important de comprendre aussi que cette histoire n’avait pas été inventée comme une punition d’un Noël gâché, mais bien d’une profonde souffrance que je traînais depuis des années.
Et à nouveau l’attente. Une fois que j’avais réalisé cela, je savais que l’enquête se poursuivait de son côté. Il faut savoir qu’ils recueillent aussi des témoignages en face, pour bien sûr disculper ou non mon agresseur, avant de l’entendre lui, en tout dernier plan. Sauf que comme la communication était rompue depuis ce Noël avec cette partie-là de ma famille, je ne savais pas où l’enquête en était. J’ai donc attendu, 8 mois. 8 mois, sans savoir ce qu’il allait se passer, sans savoir à quelle sauce, j’allais être mangée. Et j’ai eu peur pendant tous ces mois, car je savais que je le jour où ça se saurait, j’allais subir les foudres des personnes qui le soutiennent.
Ces foudres sont arrivées avec fracas, un vendredi soir. Lorsque quelqu’un de proche dans ma famille, m’a appelée pour me dire « Bon là, il faut que je dise les choses parce que ça commence à prendre une tournure hallucinante. X est en garde à vue depuis un moment et ils n’ont pas l’air de vouloir le relâcher. On m’a mis au courant de ce qu’ils t’ont fait, suivant ce que les gendarmes avaient dit, et sérieusement, même moi, j’ai vécu ça, plein de gens ont vécus ça, ce n’est pas la peine de faire tout un plat ».
Tout le monde le sait, se passer du consentement de son/sa partenaire pour démarrer un rapport sexuel est tout à fait banal. Sur le continuum du consentement, qui va de « oui, j’ai très envie tout de suite, jette-toi sur moi » au « viol », les options séparant les deux pôles sont nombreuses. Sans parler de l’excitation sexuelle fatalement induite par la stimulation, pour les garçons comme pour les filles, ment. […] Pour l’incesteur, le passage à l’acte incestueux n’est pas très grave et c’est pour cela qu’il est très courant. La réalité des situations vécues semble indiquer que le viol n’est grave que pour les personnes violées. *
Cette conversation, je te la retranscrits, car elle est assez lunaire, mais témoigne aussi de la réalité de ce qui se passe dans les familles où ce genre d’événements arrivent… Choquée, j’ai dû lui répondre « Mais tu sais quel était l’objet de ma plainte, si tu estimes qu’une agression sexuelle sur mineur te semble dérisoire, c’est vraiment que tu n’as rien compris ». Il m’a répondu sur le ton de la colère «Mais ça ne justifie pas une plainte. Ils n’ont pas l’air de vouloir le relâcher, on ne sait pas ce qu’il se passe. Ils ont l’air de prendre ton cas au sérieux et d’en faire un exemple pour le faire payer. Tu ne te rends même pas compte du bordel que tu as foutu». Je lui ai répondu « S’ils ont décidé de l’écouter, c’est que les autorités ont pris ça au sérieux. Et s’ils ont pris ça au sérieux après une audition auprès des gendarmes et deux entretiens avec un expert qui ont chacun duré plus d’une heure, c’est que c’est justifié, ce n’est pas à toi de décider de ce qui est justifié ou pas. C’est à la justice ». Il m’a alors rétorqué «Ouai, mais ce que je ne comprends pas, c’est que tu es censée être traumatisée. Sauf que si c’était vraiment le cas, tu aurais fui X, toute ta vie. Tu n’aurais pas essayé de rentrer en contact pendant toutes ces années, ni partagé de moments avec lui». Je lui ai alors rétorqué «Tu sais très bien, toi comme moi, que le jour où je m’interposerais face à lui, alors beaucoup de personnes me tourneront le dos, comme c’est justement en train de se passer. Tu crois que j’avais envie d’être abandonnée une seconde fois ? Non ! Je te rappelle que j’en ai parlé à une personne proche à l’âge de 19 ans, et elle n’a rien fait. Que crois-tu qu’il se passe dans ma tête dans ce moment-là ? Que cet acte ne mérite pas l’attention des gens censés m’aimer. ” Il m’a alors coupée pour me dire « Non mais tu as vécu ta vie tranquille et là, tu viens détruire celle de X pour une plainte même pas justifiée ». Je lui ai alors répondu « Non mais au bout d’un moment, il faut aussi voir que dans l’histoire, c’est moi la victime, et pas l’inverse ». Il m’a alors dit «Oui, mais avant de savoir si quelqu’un est victime, on essaye de voir s’il y a des raisons à cela. Par exemple, une meuf vient me voir en me disant qu’elle s’est pris une grosse claque par un mec, j’attends de savoir déjà pourquoi. ” Choquée, je lui ai rétorqué «Parce que tu crois qu’une enfant de 7 ans mérite un viol doigté ? Non parce qu’au bout d’un moment faut quand même poser les mots sur ce qu’il s’est passé. ” Il m’a répondu «Je n’ai pas dit ça, je dis juste que ça mérite pas une plainte et ce que X est entrain de vivre ». Et à moi de rétorquer : « Personne n’est jamais venu me demander quel était la hauteur de mon traumatisme. Personne ne s’est jamais posé la question de comment je vais, comment je fais pour m’en sortir. Personne ne s’est jamais dit que peut-être que de survivre au suicide de sa première mère et à un viol justifiait peut-être 10 ans de thérapie comme je l’ai fait. Je savais que je le jour où j’oserais me reconnaître en tant que victime, je perdrais des gens. Ben excuse moi d’avoir eu besoin de 35 ans pour assumer cela. Sur ce, je n’ai pas à recevoir de leçon de toi, et n’ai pas envie de prolonger la souffrance de cette conversation, donc je te laisse. »
Et c’est ainsi que j’ai raccroché. En larmes, dans ma maison, assise par terre à constater l’horreur de cette conversation, et du pavé dans la mare que je venais de lancer. Mais je n’en revenais pas non plus, de la faculté à renvoyer la responsabilité à la victime de « foutre la merde », ni même du dégoût de me dire qu’une victime de 7 ans pouvait « l’avoir cherché ». Face à cet uppercut reçu en plein cœur, une autre émotion est venue se nicher au cœur de mon être : la peur. Étant donné le passé violent de X, je savais que lorsqu’elle sortirait, sa colère, tournée contre moi pourrait être destructrice. Je sais que la garde à vue en France ne peut excéder plus de 48 h, donc, dans deux jours, il pouvait tout à fait débarquer chez moi et me péter la gueule. J’ai donc pendant une semaine, vécue terrée chez moi, les volets fermés et la peur au ventre. En discutant avec mon avocat, il m’a dit que normalement, s’il faisait ça, cela lui retomberait dessus. Mais cela ne m’a pas apaisée. La peur elle, à ce moment-là, a gagné.
Et puis à nouveau l’attente. Une fois que toutes les preuves sont réunies, il faut attendre le verdict. Ce dernier est tombé un mardi soir, 2 mois après. Je me souviens, j’étais en train de faire de la balançoire avec mon fils, quand mon avocat m’a appelé. Il m’a annoncé qu’il y avait un non-lieu faute de preuves (on s’en doutait un peu), mais qu’il avait reçu toutes les pièces du dossier, ainsi que les deux auditions (X et une personne proche), qu’il fallait que je m’accroche, car elles étaient salées. Ce n’était rien de le dire… Dans leurs mots, tout m’était reproché : la victimisation pour rien, la manipulation de ma part, que je suis une menteuse, une perverse, que ce n’était rien que des jeux entre jeunes, du « touche pipi »… Et malgré ces presque aveux, rien n’avait été fait. Pire, j’étais passée pour la monstre de service, un peu folle et complètement rejetée au profit de X, encensé pour ce qu’il n’est pas en réalité.
Ni dans la littérature que j’ai consultée ni dans l’enquête, je n’ai rencontré de situations d’inceste (ou de jeux sexuels) entre des jumeaux, ou des cousins du même âge. Les jumeaux, et les cousins du même âge, vont explorer la sexualité ailleurs qu’au sein de leur famille. Si la différence d’âge entre les protagonistes est une condition nécessaire pour qu’advienne un «jeu sexuel » dans la fratrie, c’est bien parce que la différence d’âge amène avec elle une asymétrie des positions et un rapport d’autorité. Les seuls « jeux sexuels » qui existent dans la famille relèvent en réalité exclusivement de l’exercice d’une domination des ainés sur leurs cadets, sur lesquels ceux-là ont une autorité à laquelle il n’est pas aisé de se soustraire. Il suffit à chacun de regarder en arrière pour se rappeler l’autorité, la capacité de fascination et le surcroît de force physique que confère à un frère ou à un cousin le fait d’avoir un, deux, ou trois ans de plus que soi quand on est un enfant, sans parler d’une différence d’âge plus importante. De fait, si les prétendus « jeux sexuels » entre frères et sœurs ne débutent jamais à l’instigation du plus jeune, c’est précisément parce qu’ils ne sont pas des jeux mais des abus sexuels. […] D’ailleurs, l’enquête approfondie monte que devenus adultes, seuls les ainés désignent encore rétrospectivement les pratiques sexuelles comme des jeux. Et s’ils en éprouvent de l’embarras, leurs cadets incestés, eux, sont dans le même état que les anciens enfants incestes par un père ou un beau-père. Le désastre n’est pas moindre parce que l’érection n’était pas durable. » *
Les femmes de la famille qui révèlent des incestes sont toutes perturbées, mythomanes, aigries, influencées, manipulées, instrumentalisées, etc. Ces arguments sont d’une banalité terrible et tous les incesteurs de mon enquête, à un moment donné, ont fait passer le message que l’incesté(e) qui les a dénoncés mentait sur un point ou sur un autre.
Double choc. Dans mon corps, dans mon être à ce moment-là, s’immiscent plusieurs phrases malsaines (mais que je ne peux arrêter): « Ils ont raison », « tu ne seras jamais reconnue », « on vient t’abandonner une seconde fois (justice, famille) », « tu ne seras jamais protégée ». Car il faut savoir aussi qu’une ordonnance d’éloignement ne fonctionne que si le jugement est favorable. J’avais le sentiment d’avoir tout perdu, juste parce que j’avais osé dire ce que j’avais vécu. Attristée, dépitée, j’ai mis de longues semaines à m’en remettre (encore que je ne suis même pas sûre de m’en être remise encore aujourd’hui). Mais pour mon fils, pour mon conjoint, pour les gens aussi que j’aime et qui sont restés près de moi, j’ai continué. Pas un seul jour, je me suis arrêtée, je crois que j’avais besoin désespérément de m’accrocher au wagon de la vie pour ne pas sombrer. Alors j’ai avancé, chaque jour un peu plus. Et j’ai écrit, beaucoup. Bien entendu, personne du côté de cette famille, n’est venu vers moi. J’ai même su, par d’autres langues, qu’ils avaient tous pris X en pitié, et moi en bourreau. La méchante Audrey qui avait osé révélé des choses fausses, et faire du tort à la gentille vie de X.
Parallèlement, certaines petites perles se sont rajoutées à ma vie. Car j’ai osé enfin, en parler autour de moi. J’ai heureusement eu de très belles réactions, des gens qui m’ont soutenue, des gens qui m’ont crus, des gens aussi qui m’ont connue depuis toute petite et qui m’ont dit « je comprends mieux ton silence et ton attitude particulière pendant toutes ces années ». Des gens qui m’ont vue en somme, de qui je suis vraiment. Deux réactions m’ont particulièrement ramené du baume au cœur : une personne proche (homme) a eu une réaction paternelle en ayant envie de lui régler son compte. Cela peut te paraître extrême, mais pour moi, j’ai aussi senti cela comme « enfin, on me protège, et on a une réaction normale face à cette atrocité ». Une seconde, qui m’a avoué, 30 ans plus tard, qu’au moment du décès de ma maman biologique, elle aurait aimé m’adopter, mais qu’elle était trop jeune, et qu’elle regrette de ne pas m’avoir permis de vivre une autre vie. J’ai trouvé ça très touchant, et je voudrais aussi vous dire, à vous tous qui m’avez ouvert les bras : MERCI.
S’attaquer socialement, symboliquement, voire judiciairement à une telle autorité, exige donc non seulement un effort important, mais comporte surtout le risque que la famille se recompose autour de lui, l’incesteur, et non autour de la victime qui dénonce. Les incestés vont devoir composer avec les réactions de leurs familiers et l’ordre familial, qui auront souvent raison d’eux. Car, contre toute attente, et en dépit de l’énergie colossale dépensée par les incestés, rien ne changera. Les victimes d’inceste peuvent se sentir mieux, mais ni elles ni personne ne se sortent vraiment de l’inceste. […] Car, s’il y a une victime, il y a nécessairement un agresseur, et probablement des complices. Et à part la victime, il est rare que les uns et les autres consentent à participer à ce jeu de rôle. À moins qu’ils ne soient ou ne se sentent eux-mêmes victimes de l’incesteur. C’est pourquoi les familiers produisent un système de défense plus ou moins conscient selon les personnes et les situations, dirigé contre la victime qui se met à parler, plutôt que contre les faits et celui qui les a commis. D’autant plus qu’en brisant la règle du silence la victime en rompt deux autres, plus communes et donc plus légitimes encore : la grossièreté de parler de ses affaires privées en dehors de la maisonnée, et l’indécence d’évoquer sa douleur. Et si, devenue adulte, elle reconnaît qu’elle souffre et se fait aider, elle accuse implicitement les siens. Ni prescriptrices ni justificatrices de conduite, les évaluations morales ordinaires mobilisées par les familiers doivent les sortir de l’impasse dans laquelle ils se trouvent : reconnaître qu’ils ont laissé se perpétuer un crime. Ainsi, plutôt que d’évaluer les faits dénoncés et/ou révélés, on tourne son regard sur l’incesté et son comportement. Plutôt que d’interroger la place jusqu’ici accordée à l’agresseur, on questionne la légitimité et la probité morale et intellectuelle de la victime – « Elle va pas bien ! » – et on s’assure mutuellement de sa « différence » – « Il est fou, maman, qu’est-ce qui lui arrive ? » (On renvoie l’incesté(e) au récit familial en vigueur avant l’annonce, et à la place qu’il/elle occupait dans l’ordre familial, ou à celle qu’on lui accorde après sa dénonciation. Dans ce cas, elle devient ou reste telle qu’elle a été perçue jusque-là : un(e) fan-taisiste, un(e) enfant malsain(e), l’original(e) de la famille, un(e) petit(e) menteur(euse), un(e) pervers(e) […] À force de s’entendre répéter qu’on ment et commet des bévues, bref qu’on n’est pas crédible, on finit aussi par ne plus tenter de convaincre les familiers et les proches de la réalité de l’inceste. Cette perte d’élan vaut à l’intérieur de la famille comme à l’extérieur, où il faut aussi insister pour convaincre de la réalité de l’inceste. […] Contraints eux aussi à réagir à l’annonce de la victime qui menace l’image de la famille, familiers et proches contestent ainsi l’inceste par un mouvement spontané, quitte à mettre en doute l’intégrité morale de la victime sur les faits annoncés. En déconsidérant la parole de la victime, dont la plainte paraît on ne peut plus incongrue, ils se gardent bien, volontairement ou non, d’interroger les faits dénoncés, irrémédiablement bloqués dans un ailleurs impensé. En outre, plutôt que d’avoir à se repositionner vis-à-vis de la victime et de l’agresseur – restera-t-elle amie avec l’un et l’autre, les souvenirs des bons moments passés avec l’agresseur seront-ils indemnes ? … . D’une manière générale, l’émotion des proches, manifestée parfois par de la colère et de la compassion, mais le plus souvent par du déni, de la banalisation ou de l’évitement, des pleurs, de la nervosité ou de l’impassibilité, trahit leur toute relative naïveté sur l’étrangeté de l’inceste. Si ce statut de transgresseur, de plaignant imaginaire, de fou ou l’incorrigible menteur invalide la parole de la victime au yeux des proches, il la disqualifie aussi parfois aux siens propres.*
La vie aurait pu continuer ainsi, je crois que j’aurai pu rebondir vraiment si le dernier coup de grâce ne m’était pas arrivé il y a quelque semaines. Un lundi (je ne sais pourquoi les jours de la semaine se marquent dans mon esprit lorsque je vis des émotions fortes), nous déjeunions tranquillement ensemble, mon compagnon et moi, lorsque la factrice sonne à la porte : une lettre recommandée venant d’un avocat. Ce petit monstre au fond de moi, à nouveau, qui vient se réveiller. J’ouvre cette missive tremblotante, et découvre à l’intérieur, une lettre qui me demande en gros, d’accepter que je suis reniée d’une partie de cette famille. Le coup de grâce. Moi qui ai lutté toute ma vie contre l’abandon, on me demande d’accepter que l’on m’abandonne une fois de plus. La colère, la tristesse, la déception… tout y passe. Que faire, que répondre à cela ? Comment se reconstruire après tout cela ? J’ai donc consulté un avocat pour savoir quels sont mes droits et ai décidé de refuser. J’aurais pu accepter pour être totalement débarrassée. Mais non, j’estime que lorsqu’on décide d’accueillir un enfant dans une famille, on ne le rejette pas comme ça, surtout après ce qu’il s’est passé. Mais même si moi je ne décide que non, la réalité est toute autre. J’ai été la victime de quelqu’un qui m’a détruite, dans un moment où j’étais la plus fragile et qui a maintenu dans la peur son entourage, toute sa vie. J’ai osé poser ma voix et par se faire, ME reconnaître dans mon statut de victime, pour laquelle cet événement a eu des conséquences, et on ne m’a pas crue, on m’a insultée, on m’a rejetée et on m’a abandonnée.
La famille accompagne l’incesteur dans son effort pour rester un type bien et un bon père de famille, car il est moins coûteux, pour tout le monde, d’être associé à un type bien plutôt qu’à un incesteur. Cette volonté, parfois farouche, parfois contre toute évidence, de ne pas admettre l’inceste, et de ne pas reconnaître incesté et incesteur, contribue opportunément au silence sur les abus sexuels. La prison ne change pas grand-chose aux relations familiales, au bout du compte. L’incesté qui a déposé plainte se tient éventuellement à l’écart de la famille, seul ou avec un petit groupe de parents proches autour de lui. […] Par haine, par besoin de reconnaissance, ou par désir de voir l’autre puni, une personne en dénonce une autre, attirant l’attention des proches sur la mauvaise conduite de l’incesteur mis publiquement en accusation. L’incesté espère que cette accusation sera suivie d’effets, dont la mise à l’index de l’incesteur, éventuellement son inculpation, suivie d’une sanction pénale. On constate que, dans les effets induits, dans les attendus, les motivations, comme dans la forme solennelle que prend généralement la révélation, celle-ci procède finalement de ce qui pourrait être de la délation. C’est d’ailleurs ce qui pourrait expliquer l’absence de soutien de la famille à une incestée qui dépose plainte contre son incesteur, et le malaise de l’incestée elle-même.*
J’ai refermé la lettre, et j’ai continué à vivre comme si de rien n’était pendant ces derniers mois. Mais la vérité, est que je n’avais pas le courage, pas la force de regarder sous le tapis, tout ce que j’avais enfoui pour ne pas sombrer jusque-là. Et puis, petit à petit, se sont installés les cauchemars, les angoisses, les insomnies, la colère inexpliquée, la tristesse aussi et le gouffre immense du manque de confiance en moi que cela a provoqué. La vérité, tu sais, c’est que j’ai essayé, j’ai essayé de continuer, mais clairement, je n’en étais pas capable. Je rêvais constamment de ces abandons, je refusais les câlins de mon entourage (sauf mon fils, parce qu’avec lui, c’est différent.). Comment pourrais-je être aimable dans ce contexte ou clairement, on me prouve le contraire ? Et puis doucement, ces dernières semaines, mon corps commençait à me dire stop. « Arrête d’aller en avant, les casseroles sont trop dures à porter, il est temps que tu t’en occupes ». Comment aider les autres à avancer sur leur propre chemin alors que j’ai juste l’impression moi, de reculer ? Oui, je continuais à travailler sur moi, accompagnée. Mais la réalité est là, je fais 1m60, 45 kilos, j’ai presque 40 ans et je n’ai plus de forces, je suis épuisée d’avoir tant lutté pour m’en sortir envers et contre tout. Alors j’ai dit STOP, pour la première fois de ma vie. J’ai parlé à ma petite fille et je lui ai dit « je vais prendre le temps de m’occuper de toi ». Car il y a un moment, même s’il pense avoir gagné, même s’ils pensent tous m’avoir détruite et subir ce que « je mérite », j’ai deux êtres chers à la maison, qui ont besoin de moi, et qui m’aiment. J’ai aussi des supers amis, une super famille (oui, il reste des membres chers qui ont su aussi lire en moi et me croire), je leur dois d’être bien et de continuer pour eux. Mais j’ai besoin de me réparer en profondeur, de prendre ce temps-là pour moi, pour aller mieux. Alors je m’excuse, d’être absente, de prendre une pause (enfin), et de ne pas assurer mon travail. Je veux revenir plus forte, mais aussi plus consciente, et ne pas fuir en avant.
Pourquoi j’ai ressenti ce besoin de tout t’exposer ? Car j’ai toujours fait en sorte d’être authentique. Je suis une accompagnatrice de vie, une fée magicienne pour certains, mais je veux aussi te montrer que comme toi, je suis humaine. Si je peux si bien t’accompagner dans tes propres blessures au quotidien, c’est parce que moi-même, je me bats contre les miennes. Et j’ai aussi envie d’apporter mon témoignage comme pierre à l’édifice. Ces agissements doivent cesser et les mentalités doivent changer. La sexualité doit s’assainir. C’est à nous de changer les générations futures. C’est aussi un message que je veux apporter à mon fils : ton corps et ta vie t’appartiennent, et si quelqu’un te les bafoue, tu as le droit de te battre pour faire valoir tes droits. Que ce soit verbalement ou via la loi. La société doit changer !
Merci de m’avoir lue. Je suis preneuse également de ton témoignage. Tu sais, en parlant avec des personnes autour de moi, je me suis rendu compte que je n’étais pas seule. Et si tu as envie de partager ton témoignage, je le lirai avec plaisir. Plus nous serons nombreux dans ce cas, et plus les langues se délieront et libéreront d’autres personnes de ce fardeau.
À bientôt donc, pour d’autres écritures.
Sincèrement,
Audrey
* Le Berceau des dominations – Dorothée Dussy
À regarder: l’histoire de #metoo
Bonjour Audrey
Je passe des heures a parcourir ton blog pour me nourrir personnellement et apprendre a te connaitre a travers un écran pour l’instant .
On ne se connait pas (pas encore :-) ) mais je voulais t’exprimer tout mon soutiens dans toutes les épreuves par lesquelles tu es passée , je voulais te dire la force et le courage qui te caractérise pour avoir pu pousser la porte des avocats / commissariats etc et d’avoir oser parler face à ta “famille” .
Tu as une force incroyable qui te permet d’être encore debout aujourd’hui et de continuer d’avancer dans ta vie .
Et malgré tout cela aujourd’hui tu transmets toute ta bienveillance a qui souhaite la prendre .
Je voulais juste te faire part de mon admiration face à ton parcours de vie,
A très bientôt dans la vie réelle .
Belle journée a toi et ta famille
Laetitia
Cc Audrey
Je suis profondément touchée par ton histoire et j’ai été vraiment heureuse de partager ton envol professionnel au Ganesha.
Ton histoire m’a rappelé la même à bien des moments de mes deux vie de couple. Cette culpabilité qui venait de je ne sais où de demander un câlin à mon ex-mari pourtant adorable avec cette apréhension de devoir me soumettre à un acte sexuel que je ne voulais, ces accès de violence avec mon ex-compagnon qui finissaient sous la couette, jusqu’à… cet homme que je croyais être mon ami qui a abusé de moi alors que je n’avais besoin que d’une épaule protectrice et d’une écoute bienveillante. Si j’ai porté plainte pour violences conjugales de mon ex, je n’ai pas pu le faire pour cet ami. Parce que je sais que ce sera ma parôle contre la sienne et que, sans preuves, ça se finira en non-lieu, parce que je me sens tellement coupable de l’avoir appelé pour qu’il vienne chez moi, parce qu’il risque l’emprisonnement et que se passera-t-il après s’il me retrouve ? J’ai peur des représailles notamment professionnelles car il est énergéticien bien-être et a de nombreuses connaissances dans le milieu car il fait pas mal de salons dans la région… Bref, voilà, je comprends ce que tu as pu vivre pour être égalment passée par là. Ce qui est inadmissible dans cette histoire, c’est la pédophilie. Je suis peut-être naïve mais je rêve d’un lieu où, enfin, l’humain vivra en paix avec lui-même et son environnement. Et, tu vois, ça me fait un mal de chien quand je découvre comment nous maltraitons notre environnement et nous-même. Comment est-ce possible de ne rien sentir à ce point ?
Je t’embrasse très fort ma belle Audrey. Merci pour tout ce que tu partages.
Merci Audrey pour votre récit, cela me remet dans un contexte où j’ai vécu des gestes incestueux avec mon frère et j’ai su lui dire stop. Mais à l’âge de 20 ans j’ai été violée par un soi-disant policier qui avait pointé une arme soit je me faisais tuer ou j’acceptais de me faire violer. Suite à ce viol j’ai fait une tentative de suicide où j’ai fait un coma de 11 jours. Après m’être réveillée de mon coma, je me suis jurée d’être forte et j’ai occulté mon viol, je ne voulais pas en parler. J’ai vécu des histoires d’amour où j’ai été soumise pour être aimée car je n’avais pas confiance en moi. Puis en 2020, j’ai fait un burn out et tout est ressorti, puis le magnétisme est venu à moi sans que je cherche quoique ce soit et pour me libérer je suis en train d’écrire mon livre et j’ai dit à mes sœurs ce qui m’était arrivée mais pour ce qui est de mon frère je n’arrive pas à mettre de mots car nous étions 10 enfants et nous manquions beaucoup d’affection mais juste j’ai dit à mon frère pour le stopper ne fais pas ce que le frère de notre père a fait à sa sœur (le frère de mon père avait violé leur jeune sœur et de ce viol un enfant est né non viable). De lire votre récit me fait comprendre que je dois mettre des mots sur ce qu’il m’est arrivé. Merci encore à vous Audrey.
Je n’ai pas de mots pour décrire ce que cette lecture m’inspire, si ce n’est un grand MERCI. Merci de mettre des mots, sur ce que tu vis, sur ton cheminement si juste, sur ce qui peut faire ta force et révéler aussi la force que tu as pu trouver chez moi. Ces mots, c’est avant du tout des soleils dans mes noirceurs, des baumes au coeur lorsque je doute. Ils sont si précieux pour moi, et je suis profondément heureuse que les paroles se libèrent, alors MERCI. ????
Chère Audrey
J’ai été bouleversée à la lecture de ton récit. Je sais combien lever le voile du silence peut rendre, pour un temps du moins et paradoxalement, vulnérable. Combien attendre le dénouement des procédures est anxiogène. Le combat qu’il faut mener ensuite face aux autres (quand on fait de la victime le bourreau) et face à soi-même pour tenir, jusqu’au bout.
Je trouve très courageux de ta part d’avoir pu te dire ainsi avec justesse et sincérité et j’espère que que libérer ta parole t’aura fait un peu de bien et permis de révéler la force qui est en toi. Parce que pour faire cela il faut de la force, même si au départ on n’est pas certain qu’il s’agit de cela.
Avoir subi l’inceste est déjà une expérience d’une grande violence mais survivre au déni de ce drame, au rejet, aux mensonges… je n’ose pas imaginer la douleur que cela doit représenter. C’est dans tous les cas a minima une double peine. Et même quand les choses semblent justes (mon père a été condamné à 20 ans de réclusion criminelle dont 15 de sûreté et n’a au terme de sa peine formulé le moindre regret), il reste un petit quelque chose qui ressemble a du chagrin. Si seulement on nous demandait « pardon »…
J’ai 51 ans et je pensais avoir fait le tour de la question, lectures et thérapies multiples m’y ont aidée ; pour autant j’ai encore beaucoup appris à te lire, identifié d’autres ramifications de ce fléau et les freins qui restent au fond de soi qu’on ignore parfois venir de là. La non reconnaissance par soi-même de l’abus par exemple, quel que soit le visage qu’il revêt, le chamboulement et la douleur qui se réveille à chaque fois qu’on nous fait du mal … invariablement.
Tu n’imagines pas combien ta réflexion m’a été une fois de plus une aide à la compréhension de ce drame de vie qui reste vivant parfois toute une vie.
Merci vraiment. Ce fut très précieux pour moi.
Je ne savais pas si je devais te dire cela … au moment de ta reconstruction…
Je voulais aussi, et même surtout, te dire que cette saloperie n’a rien ôté à ta beauté. Tu es solaire : ton seul sourire parvient à rassurer et réconforter.
Je viens de lire ton récit sur le libre arbitre et je partage pleinement ton point de vue. Il m’a fallu du temps pour comprendre que j’avais le droit de dire non, de dire stop, d’exiger le respect de mon être et de mes valeurs et la liberté de choisir à qui je veux consacrer mon temps et mon affection.
Pendant des décennies j’ai été ballotée entre les mains d’autres qui m’ont maltraitée et ont tenté de m’en rendre responsable. Il me reste du chemin à parcourir mais je sais désormais identifier l’abus, la violence qui sommeille ou la malveillance déguisée et c’est grâce à des personnes comme toi.
J’ai depuis perdu de ma naïveté.
Je te souhaite plein de courage pour continuer d’avancer et tout autant de bonheur. Il y a la famille qu’on ne choisit pas et il y a celle qu’on construit. La seconde est à ton image. À côté de ton fils et ton compagnon tu sembles apaisée. De le voir m’a touché. C’est un juste retour des choses. Et c’est beau
Enfin il y a le chemin de vie professionnelle que tu as choisi : faire le bien et du bien, soigner et même guérir. Cela aussi est beau ♥️
Tout ça personne ne peut te l’enlever.
Bien à toi
Katia
Chère Audrey
Notre société protège encore les bourreaux plutôt que les victimes, elle leur déroule un tapis d’honneur pour mieux discréditer la vérité. C’est inadmissible, insoutenable et intolérable. Des vécus comme le tien j’en ai tellement entendu, trop entendu. Ils sont le reflet de la lâcheté, du manque de courage à se confronter à l’innommable. Alors nous, ceux qui mettent le respect et la bienveillance au cœur des échanges, n’auront de cesse de soutenir et d’encourager celles et ceux, qui comme toi osent abolir les tabous de la honte.
Vouloir t’expulser de la famille, revient à refuser d’assumer sa responsabilité. Oui tous les adultes qui cautionnent et qui minimisent ont les mains salies par leurs complaisances et leurs petits arrangements de consciences.
Un enfant ne choisi jamais d’être un objet sexuel et de subir l’inceste. Tu as été victime d’un homme aux actes dysfonctionnants qui mériterai d’être jugé et sanctionné. Si la justice choisissait de poser de véritable sanctions, ces abuseurs y réfléchirait à deux fois avant d’agir.
Prends le temps de te reconstruire, prends le temps d’accueillir, d’être accompagnée, ceux qui t’ont abandonné ne comprennent pas ce qu’ils perdent et l’opportunité qui leur a été offerte. Ainsi va la vie sur terre, elle est faite de dualité et j’espère qu’un jour celle-ci cessera d’hanter les enfants comme les parents. Pour cela il est nécessaire que la parole soit libérée.
Merci de t’exprimer et de participer à briser ce tabou si verrouillé.
Que la douceur de la vie, avec l’aide du temps, te permettent de recouvrer tes forces et le bonheur au cœur ❤️
Merci Audrey pour ton authenticité. Tes mots sont difficiles à lire mais tellement libérateurs.
J’ai fait une formation avec toi et c’est ce que j’aimais chez toi, ton authenticité ainsi que ta bienveillance.
Il est temps de prendre soin de toi. De tout cœur avec toi.
Chère Audrey,
J’ai lu ton histoire bouleversante jusqu’au bout et franchement en plus d’être touchée et révoltée, je suis impressionnée d’abord parce que tu as OSER l’écrire mais surtout la publier ! Car tu as bien compris que OSER c’est sûrement perdre l’équilibre un instant. Mais surtout ne pas OSER c’est se perdre soi-même. Tu as compris aussi que pour ne plus être hantée par cet évènement traumatique subi dans ton enfance et ton adolescence, il fallait procéder à une mise en récit qui est une étape essentielle de tout processus thérapeutique.
Je te souhaite de tout coeur de réussir à t’en sortir et à retrouver le chemin de la lumière !
Merci Catherine de ton soutien. Oui il est important maintenant de m’accueillir moi, qui je suis. ????
Merci pour ton soutien Laurence, cela me va droit au coeur ????
Merci à toi pour ces mots, ils me vont droit au coeur ????
Merci Céline de ton soutien et de tes mots, ils me vont droit au coeur. ????
Merci jolie demoiselle. Nous avons tant échangé sur le sujet, et je ne doute pas, qu’un jour tu pourras écrire ou saura trouver les mots. En tout cas, les mots que tu transmets par ce message sont justes, et résonnent en moi. Merci d’être là, et de partager ma vie. Tu fais partie des belles âmes qui ont éclairés mon chemin.✨
Merci Sandrine pour ton partage. Il faut des magiciens avec plein d’amour comme toi, pour accompagner ces âmes en souffrance ✨
Merci énormément Laurent pour tes mots, si justes, et tellement agréables dans la bouche d’un homme ????
Merci Audrey pour se partagé intime et authentique. La vie est belle et mérite d’être croquée à pleine dents. Je suis admiratif de votre force à remettre de la droiture ainsi sur des comportements tout à fait inacceptables qu’il est bon de verbaliser, qualifier et juger.
Notre génération peut réparer en conscience ce que nos ainés nous ont légué (patriarcat) en aspirant à un juste équilibre et respect des hommes et femmes.
Bonjour Audrey,
Je n’ai pas encore eu le plaisir de faire ta connaissance, mais je suis ton travaille et je m’intéresse aux formations que tu dispenses. J’ai “fais ta connaissance” grâce à ma meilleure amie qui s’est formée auprès de toi aux bols chantants.
Je suis tellement émue et touchée par la violence de ton histoire et ta sincérité, ta douceur lorsque tu en parles. Tu reviens de loin et ce chemin parcourus, même s’il est pénible, à fait de toi une guerrière à l’âme invincible.
Merci pour ton témoignage. J’accompagne très souvent des personnes qui ont subies les mêmes horreurs que toi et j’aimerais vraiment être une magicienne avec sa baguette, pour les soulager, réparer leurs âmes brisées, rendre notre monde plus juste, plus beau, plus respectueux, plus sécuritaire. Nous ne pouvons pas nous arrêter là ! Hors de question de baisser les bras. JAMAIS
Prends soin de toi, de tes blessures et reviens répandre ta lumière sur ce monde.
J’ai lu… et de tout cœur, je te soutiens. Nous nous connaissons assez pour que tu saches combien ton histoire résonne au creux de moi.
Je tenais à te féliciter, une fois encore. La démarche de confrontation à l’agresseur est plus que difficile, celle qu’impose la Justice est une épreuve permanente… seuls ceux qui ne l’ont pas vécue pensent qu’on traverse le plus dur en passant la porte pour porter plainte… Or, même si c’est déjà une épreuve en soi, ce n’est que le début de rebondissements trop souvent aussi nombreux que douloureux. Tu as eu la chance d’être entendue, reconnue, écoutée, respectée lors de tes auditions et expertises, c’est déjà le signe que le monde bouge un peu. La parole des victimes commencerait enfin à être un minimum accueillie sans la soupçonner, la minimiser, l’orienter ?
L’inceste est marqué du sceau du tabou sociétal, ce sont ceux qui en parlent qui dérangent le plus… et trop souvent, les portes des amis, des familles, des proches se ferment quand on révèle les faits. Dire l’innommable, nommer l’indicible…
Accepter de croire cette parole révélée pour ceux qui la reçoivent, c’est accepter d’ouvrir les yeux sur cette infâme réalité… L’inceste est tapi partout… il est subi par des enfants qui sont dans les classes des nôtres (la statistique est édifiante, cf. le travail de Muriel Salmona pour ceux qui en doutent), dans les familles de nos amis et, bien sûr, au sein de nos propres histoires et lignées familiales. Celui/celle qui décide de trahir la loi du silence met en danger l’équilibre de verre maintenu par la société… et subit les foudres de tous en retour quand il n’attend que du soutien, de la compassion, de l’écoute et du réconfort. Je suis passée par là aussi, c’est un deuil de plus à faire dans ce parcours du combattant. Il sera suivi avec les années des phrases comme « oui, mais ça va maintenant, c’est derrière toi tout ça », si impatients de pouvoir clore cette page, ce dossier qui dérange tant… en oubliant que c’est souvent le travail d’une vie de s’en remettre totalement.
Je t’admire ma Jolie.
Non seulement, tu as eu le courage de faire face à ton histoire, de la porter devant l’institution, mais tu as aussi celui aussi de la partager sur les réseaux avec des mots qui te ressemblent : vibrants, aimants, justes, authentiques. Bravo belle Dame, c’est très puissant, et généreux aussi.
Depuis les cinq années de procédure ayant mené elles aussi à un non-lieu/classement sans suite (comme plus de 90% des affaires d’inceste), régulièrement j’ai envie d’écrire sur ce thème, comme tu l’as fait. Et pourtant, je n’ai jamais eu le courage de le faire. Toi oui, et je t’en remercie de tout cœur. Un article, posté sur mon site, retrace une partie des épreuves de vie que j’ai pu traverser… mais je ne me suis jamais décidée à le partager au grand jour comme tu l’as fait.
De ces épreuves nous vient l’énergie de ce que nous sommes comme femmes, mères, thérapeutes, formatrices… toujours en chemin d’évolution et de reconstruction vers notre être profond. Tu assumes pleinement ton histoire et tu nous la partages avec le rayonnement qu’est le tien, ta force, ta générosité, sans peur. C’est très fort. Prends soin de toi ma belle et de tes amours. Je t’embrasse fort. Si besoin au cours de cette traversée si remuante, n’hésite pas à me dire. Love & hugs.
Bonjour Audrey,
Quel courage tu as de dire, de te raconter!
Je sens tellement cette force chez toi qui m’impressionne.
Ce parcours de souffrance est certainement ce qui a fait de toi ce que tu es aujourd’hui.
Et ce temps de repos est bien mérité pour trouver le temps de t’aimer et de te chérir.
Prends soin de toi.
Je t’envoie mes plus belles pensées ????
Bravo!
Céline
Un courage de battante et ne rien lâché – en tout cas pleins de courage . Tu ne peux être que fière que toi – je te souhaite un bon rétablissement – garde ta joie de vivre
Bonjour Audrey
Merci pour ton témoignage courage ❤️
Permets moi c’es quelques mots
Continue du mieux que tu peux, défendre les valeurs d’accord de soi, avoir le courage de sortir du silence est le choix de l’Ode à la Vie
Prends soins de toi
A bientôt
Coucou Audrey,
Quelle force, quel courage, quel témoignage émouvant.
La seule personne qui puisse t’abandonner aujourd’hui c’est toi… Guérir la blessure d’abandon en s’offrant une présence indéfectible et inconditionnelle, c’est ce que fais. En portant la voix de la petite fille en souffrance tu lui apportes la sécurité et le soutien dont elle a tant manqué… Et comme tu sais si bien le faire tu œuvres le chemin à d’autres…
Je te souhaite de tout cœur de trouver la paix, toutes mes pensées et plein d’amour vers toi ❤️
Je suis tres touchée Audrey par ton courage de parler, de coucher les mots sur papiers… j’espère que cela aidera d’autres personnes à sortir du silence et à avancer.
Merci pour ton témoignage magnifique, poignant et honnête.
j’ai moi même subi un viol et mon agresseur court toujours dans la nature car je n’ai pas su me confier au moment opportun, et je me rends compte que tellement de femmes vivent la même chose…
Alors merci encore à toi pour dire tout haut ce que les autres ont besoin d’entendre!