Vis ma vie de femme, de mère, de chef d’entreprise : entre pression et culpabilité.
L’autre jour, j’écoutais un podcast en promenant mon chien, et j’ai entendu la phrase suivante, qui m’a alors percutée :
“ Vous savez pourquoi on ne demande jamais à un homme comment il fait pour concilier sa vie privée et sa vie professionnelle ? Parce qu’il ne le fait pas ! ”
Cette petite phrase résume à elle seule le fruit de mes pensées de ces dernières semaines.
Petit retour en arrière, il y a 3 mois environ. Je sors des vacances de Noël où clairement, à part le jour de Noël et le jour de l’An, j’ai passé mes vacances à dormir. Mon corps est détendu, et me voilà le dimanche avant de reprendre le travail, les yeux grands ouverts au milieu de mon lit, le stress qui monte dans mon ventre… la bonne vieille pote « angoisse » qui vient me faire coucou avant la reprise. Le stress des dimanches, cela m’arrive quelques fois lorsque je déconnecte vraiment et que je reprends une grosse semaine, mais là, j’ai senti que c’était différent.
Sauf que je ne me suis pas posé de questions. Travailler depuis 20 ans, je sais faire, très (trop) souvent sans m’arrêter, parce que cette entreprise, c’est un peu « mon bébé », et que ce bébé, je l’ai vu grandir depuis 15 ans, sans cesser d’évoluer. Rien de plus motivant non ? Cependant, depuis novembre l’année dernière, depuis l’arrêt du CPF et les grosses coupes budgétaires nationales, les gens n’ont plus de sous, et les stages se remplissent difficilement. Alors je repars comme il y a 15 ans : je m’épuise à faire de la communication pour relancer tout cela, en plus de mes 2 entreprises, de ma vie de maman, de ma vie de femme et des formations et séances individuelles. Je me retrouve depuis quelques mois, à retravailler le soir, le week-end…. Et là clairement, à presque 40 ans, j’en ai marre et je ne peux plus ! Tirer sur la corde, sur l’élastique comme j’aime plutôt l’appeler, ce n’est plus possible. Et depuis 3 mois, je n’en veux plus. Parce que souvent, mes journées elles ne sont pas « juste » consacrées à cette entreprise. Le matin, je me lève pour m’occuper de mon fils, souvent, je ne déjeune pas et m’occupe des lessives, de la maison, du lave-vaisselle et du chien (oui, mon conjoint m’aide, mais souvent, il n’y pense pas si je ne lui fais pas remarquer.). Moi, j’anticipe à l’avance, puis je pars préparer la salle, me mettre en condition, un peu plus tôt aussi pour répondre à quelques mails. Je fais ma journée, puis je récupère mon enfant, et je sors le chien, et la seconde vie commence…. bain, repas, rangement, ménage, factures, débriefing de la journée… si besoin, il n’est pas rare que je réponde à des mails lors du bain de l’enfant. Penser à ses vêtements, à ses rdv, à ses besoins…. Mon conjoint a un travail depuis quelques mois qui lui prend aussi beaucoup plus de temps, et il n’est pas rare que je me retrouve à gérer le matin et le soir.
Depuis des mois et des années, mais encore plus depuis quelques semaines, je cumule une fatigue incommensurable et pourtant, je ne m’arrête pas. Pourquoi ? Un seul mot : culpabilité.
On parle beaucoup de la charge mentale des femmes. Mais on ne dit pas d’où elle vient. Nait-on avec lorsqu’on est du sexe féminin ? Est-elle dans notre patrimoine génétique ? Je ne pense pas. Elle est construite par la société qui attend beaucoup plus de nous que des hommes.
Tu ne me crois pas ? Lis la suite.
Dès le plus jeune âge, j’ai eu le sentiment qu’on attend plus de nous. Une fille doit être plus calme, plus douce, plus réfléchie et surtout plus responsable (l’ainée qui s’occupe de ses frères et sœurs, qui sait plus tôt préparer à manger, faire une lessive…). En parallèle, on attend d’elles aussi qu’elles réussissent leurs études, pour s’émanciper, et ne pas rester trop longtemps dans les jupes de ses parents.
Une femme subira globalement plus de pression par rapport à son apparence physique. Un homme avec un petit ventre ? C’est un bon vivant. Une femme ? Elle s’est laissé aller.
Au travail, les femmes doivent en faire 2 fois plus pour prouver qu’elles le valent bien. Tout va être examiné: ce qu’elles portent (trop décolleté, trop moulant, trop moche…), comment elles se comportent (trop autoritaires, trop gentilles…). Une femme carriériste ? Une ambitieuse prête à tout = négatif. Un homme carriériste ? C’est bien, il a de l’ambition, il ira loin = positif.
Vient le temps des enfants. Les ennuis commencent souvent dès le congé maternité : “Mais tu reviendras avant la fin du congé hein ?” “Tu vas prendre un congé parental après ? ” ” Un temps partiel ? ” Comment on va faire ? “ Quand les enfants sont là, arrivent les premières maladies et les premières journées de travail manquées pour pouvoir garder ses enfants.
On ressent la pression tout le temps, dans toutes les circonstances, et surtout quand on devient maman. La pression se transforme vite en culpabilité.
Nous sommes mises au banc des accusées dans un tribunal où les juges sont… ben tout le monde en fait !
Accusées, levez vous !
- Vous travaillez le mercredi après-midi??
- Vos enfants font de la garderie??
- Vous avez pris du poids avec vos grossesses?
- Vous êtes passées au maillot de bain une pièce?
- Vous n’avez pas voulu/pu donner le sein??
- Vous n’avez pas fait de la purée de patates douces parfumée au yuzu?
- Vos enfants ont 5 ans et ne sont pas trilingues?
- Vous n’arrivez pas à boucler le dossier au travail??
Verdict : vous êtes reconnues coupables de vous laisser-aller. Sentence : épuisement à perpétuité !
Maintenant, relis ce que je viens d’écrire et imagine que l’on dise cela à un homme… Impossible, n’est-ce pas ? Jamais on ne leur fera sentir ce poids de culpabilité. Jamais on le leur demandera pourquoi ils ne prennent pas un temps partiel pour s’occuper des enfants.
Là est l’injustice. Là est l’inégalité.
Je sais déjà que les hommes qui vont me lire diront que eux aussi ressentent la pression de la société. Oui messieurs, je sais que vos vies ne sont pas toujours faciles. Vous devez nous protéger (enfin, c’est que la société vous fait croire parce qu’on peut se débrouiller toutes seules, merci bien.). On s’attend à ce que vous ayez un bon travail (euh, encore faux : nous ça ne nous pose pas de problème de gagner plus que vous !). Mais ce sentiment de culpabilité ? Réfléchissez bien et soyez honnêtes. Vraiment.
Je sais aussi que toutes les femmes ne se reconnaîtront pas et vous savez quoi ? TANT MIEUX !!! Mais en parlant autour de moi, je me rends compte que nous sommes beaucoup dans ce cas. Encore beaucoup trop. Et surtout auprès de mes collègues chefs d’entreprise (qu’importe la taille de l’entreprise, cela reste la même chose). Nous n’osons pas avouer notre mal-être et d’ailleurs (dans le milieu du bien-être ? Inentendable !), l’ironie de l’histoire, c’est que très souvent les remarques les plus dures ne viennent pas des hommes, mais des femmes. Jalousie ? Malaise ? Peur que si elles avouent qu’elles ne sont pas parfaites, elles seront jugées elles aussi ?
Alors mesdames, vous n’êtes pas coupables ! Tu es imparfaite comme 100 % des êtres humains sur terre. Ose dire tout haut ce que tu penses ! Non, ce n’est pas facile de s’occuper des enfants, oui parfois, on a envie d’en faire de la chair à saucisse. Oui, on a le droit de mettre un jogging et de ne pas se maquiller pour emmener les enfants à l’école.
Soyons solidaires. Soyons fières d’être nous-mêmes. Vivons nos vies. Réalisons nos rêves.
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