32h – Récit de mon accouchement
1er Mars 00h30: Je sens quelque chose qui coule le long de ma cuisse, quelque chose qui s’échappe du bas. Je file aux toilettes et m’aperçois que j’ai quelques pertes de sang sur le papier. Appel à la sage-femme de garde, qui me dit « sûrement le col qui travaille ou la perte du bouchon muqueux, cela ne signifie rien, vous pouvez vous recoucher. ». Mais moi je sais, je sais au fond de moi que tu es juste pile à l’heure mon chat. Je sens que quelque chose est différent et que notre grand moment va arriver. L’accouchement physiologique va être pour bientôt.
Je décide donc de me recoucher mais de grosses contractions me réveillent toutes les 30 min. Toi, tu bouges bien à l’intérieur, pour le moment, ça n’a pas l’air de te déranger.
Je me lève donc vers 5h du matin, incapable de dormir et les contractions se rapprochant de plus en plus. Une toutes les 15 min, qui m’oblige à souffler, je me dis que le travail a bien commencé. Rappel à la sage-femme qui me dit « Ne fonce pas tout de suite dans les contractions Audrey, ce peut-être long, continue ta vie comme si de rien n’était ». Facile à dire… mais quand la douleur vous cloue sur place toutes les 15 min, j’ai du mal à ne pas « y penser ». Pis le stress de ne pas être capable d’arriver à faire ça en accouchement physiologique monte petit à petit. Je me pose donc sur le canapé, parle à mon petit bonhomme dedans, pour qu’on soit connectés tous les deux, et m’assoupie devant la télé. Et là, pendant 2h, quasiment plus de contractions. Bon, je me dis que c’était juste un faux travail, et que finalement, ça ne sera pas pour aujourd’hui. Mélange de soulagement et de déception.
10h: Je sors promener le chien comme d’habitude, pas de contractions, derrière. Je mange aussi, étant donné que je n’ai pas dormi, je sens que mon corps puise.
16h: Nous décidons avec mon compagnon d’enchaîner les jeux de société pour s’occuper (dimanche pluvieux). Les contractions reviennent, régulièrement, toutes les trente minutes mais ne montent pas en intensité. C’est fatiguant à la longue mais ce n’est pas si douloureux pour le moment.
18h: Je décide de faire une séance de yoga pré-natal pour me détendre. Les contractions commencent à être de plus en plus rapprochées et de plus en plus douloureuses. Je décide donc de prendre un bain, pour les soulager et les faire passer, sans succès…
En me levant du bain, je me rends compte qu’elles sont présentes toutes les 5 minutes. C’est le moment où l’on commence à se poser la question « on file à la mater ou pas? ». Moi je suis partisante d’attendre le plus longtemps possible à la maison, comme si une fois que j’étais là-bas, c’était le début du signal, le vrai déclencheur de mon accouchement. Mais mon conjoint lui, voit le trajet en voiture et s’inquiète un peu plus. On décide de joindre la maternité, pour lui demander, et elle reste étonnée que les contractions soient déjà aussi rapprochées pour un premier bébé. Finalement, suite à un enchainement de contractions très douloureuses, je décide qu’il est plus sage qu’on file à la maternité. Le trajet est difficile, l’arrivée douloureuse, mais nous nous installons dans la chambre mer, celle qu’on voulait depuis le début. Le marathon peut commencer.
19h30: C’est le moment où je me prépare, dans ma tête, à vivre ces prochaines heures douloureuses mais qui me rapprochent de plus en plus de mon bébé. J’essaye toutes les positions: à 4 pattes, sur le côté, dans le bain. Certaines choses me soulagent, d’autres beaucoup moins. La sage-femme et mon compagnon sont là pour m’aider, bébé supporte bien pour le moment. Mais cela dure, une heure, deux heures, en s’intensifiant. Je sens que le manque de sommeil, la douleur commencent à avoir raison de moi. Ma tête et mon corps n’arrivent pas à se relâcher entre les contractions. La douleur se transforme peu à peu en souffrance, et mon mental n’arrive plus soit à lâcher, soit à reprendre pied. Je sais que je ne suis pas prête encore à accoucher, que le col n’est pas totalement ouvert et je sens que je ne vais pas tenir. Les contractions me déchirent, petit à petit, autant physiquement que mentalement. Et puis je crie, de plus en plus fort, je supplie aussi que ça s’arrête, qu’on m’achève. Tout en essayant de continuer. Mais au bout d’un moment, il y a une pensée qui me submerge, et qui me fera prendre une décision: « Je souffre tellement que si bébé arrivait là maintenant, je n’en voudrait même pas, tellement je lui en veux de me faire souffrir ainsi ». Et là mon cerveau abdique. J’en parle à mon compagnon, lui explique cette pensée que je viens d’avoir et lui dis que je ne veux pas. Je veux avoir la force et l’énergie à accueillir notre bébé. Je ne veux pas que ça se passe comme ça. La décision est prise, nous passons en filière classique pour pose d’une péridurale.
23h30: À partir de ce moment-là, je ne suis plus grand chose. On me pose dans un brancard, on me change de service. Pendant ce temps, j’ai toujours des contactions toutes les 2 minutes. Puis on m’emmène dans une chambre, on me présente une nouvelle sage-femme, changement d’ambiance, d’éclairage. J’oublie dans ma tête que la péridurale peut ne pas fonctionner chez moi (les anesthésies locales ne prennent pas)… je veux juste qu’on me libère de cette douleur. Cette douleur que je ne suis plus capable de supporter. Je supplie l’arrivée de l’anesthésiste, tout en hurlant à chaque contraction. Quelques minutes après, il arrive enfin. On me fait m’assoir en me demandant de ne pas bouger. Je serre des dents une dernière fois. L’anesthésiste a été un ange, il a été extrêmement doux et prévenant. Pendant ce temps, j’ai 3 contractions extrêmes à gérer, mais j’oublie. Je me concentre que sur la probable délivrance qui va arriver. Pendant ce temps, il demande à la sage-femme à combien est ouvert le col. Elle lui répond à 8. Je ne le savais pas jusque là. 8 est donc ma limite, mon mont Everest.
Une fois qu’ils s’échappent, je prends conscience de mon « échec ». D’abord la culpabilité, vis à vis aussi de mon conjoint. Nous avions tellement préparé cet accouchement de manière physiologique, lui aura tellement moins de rôle à jouer jusqu’à la fin. Mais il a compris et peu à peu, ce sentiment disparaitra pour me dire, étant donné la suite, que j’ai bien fais.
1h, 2h, 3h, 4h du matin, après avoir été soulagée, je m’endors entrecoupée de réveils de la sage-femme qui constate péniblement que le col n’a pas envie de s’ouvrir. Bébé n’a pas envie de sortir. Malgré les contractions, malgré son coeur qui bat bien, il est pas décidé à nous rejoindre.
5h du matin, la décision est prise, elle perce la poche des eaux. Je me suis dis intérieurement que Monsieur, qui aimait bien sa piscine, allait sacrément déchanter. Au moment où elle l’a perce, c’est un étalage énorme qui sort de moi (désolée pour ces détails). La sage-femme me dit qu’elle n’en a jamais vu autant de liquide, surtout à J+1. Je le savais moi, que bébé avait une super piscine. (Il s’avère qu’au moment de sa sortie, il en restait encore beaucoup dans mon ventre…). Sauf qu’au lieu de le faire descendre, bébé a décidé de remonter…
6h: On a beau essayer plusieurs positions, bébé ne veut pas venir. La décision est prise de poser une perf d’ocytocine pour accélérer les contactions, et surtout les rendre plus intenses.
7h: Pas de bébé en vue, 8h, le col est enfin ouvert à 10. On décide donc de commencer la poussée. Après 2 nuits et une journée de contraction, après la douleur du début de nuit, après la faim, la fatigue, il me fallait sortir mon gros bébé. Les poussées se sont enchaînées, en sortant des ressources au fond de moi insoupçonnées. Comme chacune de mes contactions étaient très longues, je pouvais pousser 3 fois à la suite. Merci les années de sport et d’endurance pour passer un tel cap!
9h33: Mon bébé est sur moi. 3k760 de bonheur, 50 cm d’amour. Un corps un peu meurtri par de belles déchirures, mais un bébé en pleine forme et une première têtée d’accueil au top! Une famille réunie, et de beaux moments à venir.
Alors si je dois retenir un enseignement de cette expérience, c’est bien que l’accouchement ne se passe jamais comme c’était prévu. Qu’il est important de connaître ses limites et surtout, je ne regrette pas d’avoir demandé la péridurale, car même si je sais qu’elle a ralentit le travail, mon bébé n’avait quand même pas décidé de sortir aussi facilement, et moi, j’avais besoin de prendre des forces pour tenir.
Je suis fière d’avoir tenu autant (presque 24h de contractions avant d’avoir la péri), fière que mon compagnon m’ai soutenu comme un chef, fière de notre enfant (le plus beau bébé du monde, objectivement parlant! :p) qui a tenu 32h sans qu’une seule fois son petit coeur ne lâche, et fière d’avoir repoussé mes limites.
À nous désormais la grande vie de famille.
C’etait vrament courageux